#14 - Marion F., une perspective ancrée et engagée
La presque quarantaine de Marion, c'est s'épanouir en tant que mère et aider d'autres parents qui aimeraient emprunter la même voie qu'elle tout en démarrant une nouvelle carrière qui lui plaît.
«Je n’ai pas très bien vécu le passage de la trentaine. A l’approche de mes quarante ans, au contraire, je me sens apaisée.» Au moment de souffler ses trente bougies, la volonté de «faire famille» était déjà très présente. Et l’idée que l’accès à la maternité dépende d’une rencontre potentielle avec un conjoint qui matche, la préoccupait déjà. Si Marion s’est posée, très tôt, beaucoup des questions que d’autres femmes se posent plus tard dans leur vie, c’est parce qu’elle avait une idée bien précise de ce qui la rendrait heureuse, quand elle serait grande. Et que dans cette vie-là, elle élèverait un enfant. Ce désir profond de maternité, elle le reconnaît, l’a d’abord poussée à faire «de mauvais choix» dans sa vie amoureuse jusqu’à prendre conscience que «çà n'était pas un amoureux» qu’elle cherchait. «C'était un père pour mes potentiels futurs enfants». Et cette conviction l’a ensuite armée. A entreprendre ce projet seule alors que la législation française l’interdisait encore. La rencontre avec son bébé fût « une évidence». Le sentiment qu’elle était «faite pour ça» s’est avéré. Et «le fait d'avoir décorrélé la parentalité du couple» a été un soulagement qui lui permet aujourd’hui d’envisager la décennie à venir avec «sérénité». Elle se sent «ancrée et à sa place».
Aujourd’hui, Marion habite Tours, la ville dans laquelle elle a grandi. Elle a décidé de revenir y habiter il y a un an et demi, six mois après la naissance de sa fille. Pour avoir un rythme de vie plus approprié à la vie de famille et aussi pour se rapprocher de ses proches. Notamment de ses frères et sœurs restés habiter dans le coin. Marion est l’aînée d’un premier mariage duquel elle a un petit frère. Ensuite, son père s’est remarié et a eu quatre enfants qui sont dans leur vingtaine aujourd’hui. Puis, plus tard, il y aura un troisième mariage et «une petite sœur de six ans». «On est trois générations d’enfants dans la filiation de mon père.»
Pendant ses études, Marion habite Blois et Bordeaux. Elle passe aussi une année aux Etats-Unis. Et finalement, quand il est question de démarrer sa carrière, elle saisit l’opportunité de partir à Stockholm où elle passe deux ans. «Il faisait nuit à quinze heures» mais elle s’en souvient comme d’une période très heureuse. Ensuite, elle décide de rentrer à Paris pour retrouver sa clique étudiante. Pendant ses études, Marion s’est fait des amis très proches avec lesquels elle animait le bureau des arts de leur école de commerce. Ensemble, ils organisaient la vie artistique de l’école, des cours «de musique, de danse, d’arts plastiques». Marion, qui a toujours beaucoup dansé, s’est jointe à d’autres étudiants pour monter une comédie musicale. «Une expérience incroyable». Ces amis-là étaient aussi ses collocs. Du coup, quand il a fallu se séparer pour la suite des études, c’est une part importante de sa vie de l’époque qu’elle a laissée derrière elle. «Surtout aux moments des débuts de Facebook où les photos des soirées passées entre potes circulaient». C’est aussi pour les retrouver qu’elle a quitté la Suède pour Paris.
Dans la capitale, elle continue sa carrière en finance, entamée notamment «parce qu’on lui avait dit qu’elle gagnerait bien sa vie et trouverait toujours du travail». Mais, une fois la trentaine entamée, elle commence à se poser des questions sur la suite. Le quotidien ne fait plus trop sens. Quand on lui demande ce qu’elle veut faire après, elle «sèche». Alors, elle part en voyage quatre mois, seule, avec son sac à dos, en Asie du sud-est. Elle sait qu’elle veut un métier plus humain. Elle veut inverser l’équilibre. Au lieu de travailler les chiffres derrière lesquels se cachent - bien - l’humain. Elle veut travailler l’humain. Et, s’il le faut, elle pourra s'accommoder de manipuler quelques chiffres à ce prétexte. Ceci dit, pendant le voyage, elle n’a «pas d’illumination». Elle rentre, un peu comme elle est partie avec le constat que son désir de maternité se fait plus vivace alors qu' elle n’est pas en couple.
Marion décide de changer de boîte en espérant que ce nouveau départ fasse l’affaire. L’inverse se produit. C’est tout de suite insupportable. «On était le 24 décembre, il était dix-huit heures, j’ai compris que je ne pouvais pas continuer à faire ce métier-là». Les fichiers excel, un matériau qu’elle s’est approprié pendant plus d’une décennie, deviennent «une langue étrangère» rouillée. Elle se lance dans un bilan de compétences. Mais, quelques semaines plus tard, le covid frappe. Elle est tiraillée et ne sait pas comment articuler ce projet de grossesse et ce besoin de changer de v(o)ie professionnelle.Et le temps passe. Alors, elle décide de ne plus attendre et lance «le projet bébé» sans avoir aucune idée du temps qu’il mettra à aboutir. Elle espère un peu qu’une fois maman, son projet professionnel ne sera plus une priorité. En fait, elle tombe enceinte assez vite. Et la vie prend une autre dimension. Elle est arrêtée pendant sa grossesse. Pendant cette période, elle réalise qu’il lui sera impossible de retourner à son ancien poste. Elle commence à «penser à la suite».
En attendant, la petite pointe son nez. «C’est un coup de foudre immédiat». Les nuits hachées sont fatigantes mais dans l’ensemble, elle vit un «post-partum assez doux». Quelques semaines après sa naissance, elle quitte Paris pour passer l’été en famille. Et, quand sa fille a sept mois, elle emménage à Tours. Elle se lance dans une formation de coaching en sachant que ce sera un atout en plus pour enrichir son profil. En parallèle, elle qui est «fan de podcasts» décide d’allier ce média qu’elle adore et son sujet de prédilection. Elle lance le podcast Parcours de solos, une mosaïque de témoignages de femmes qui ont décidé de devenir mère en dehors du couple. Il faut rappeler que jusqu’en août 2021, en France, la PMA était réservée aux couples hétérosexuels. Il y a deux ans, il fallait encore se rendre à l’étranger pour entreprendre ce projet. Et même aujourd’hui, l'entreprise reste périlleuse et peu accessible, faute de moyens humains pour accueillir les femmes. De la même façon, même si la loi l’autorise, l’auto-conservation d’ovocytes qui permet d’étendre la période de fertilité pour les femmes ne peut être entreprise que dans trente centres publics. Les délais dans ces centres sont parfois supérieurs à dix-huit mois. La loi encadre donc aujourd’hui cette possibilité. Mais l'accès reste très relatif.
En parallèle, une amie lui parle du recrutement qui, contrairement aux métiers RH généralistes, n’engage pas de «gérer des réorgs» ou de «chiffrer des plans en licenciement». Alors, comme Marion l’avait fait pour le projet bébé, elle part à la rencontre de gens qui l’ont fait. «C’est ce qui m’a le plus aidée dans les deux cas». Cela permet d’être exposé de manière concrète aux expériences de ceux qui sont passés par là ou qui endossent ce rôle aujourd’hui. Et aussi de bénéficier de conseils concrets qui permettent d’avancer dans le processus de décision. De ces échanges, elle a le sentiment que ce métier coche toutes les cases. Après une candidature spontanée dans une agence à Tours, elle démarre en tant que consultante en recrutement.
La semaine dernière, elle est «montée sur scène». Dans cette vie qui la comble, la danse a gardé une place. Elle a «tout ce qu’elle voulait avoir». Maintenant que tout est en place, Marion veut consolider ses acquis. Et c’est son aspiration principale pour la prochaine décennie. Asseoir un équilibre enfin conquis.
Le podcast de Marion, Parcours de Solo, est à écouter ici.