#15 - Amélie P., pas à pas, l'incarnation des espoirs
La presque quarantaine d'Amélie c'est de la résilience, du courage, de la force et du partage qui lui permettent d'être ici et de soutenir les femmes qui traversent la même épreuve.
Amélie est née à Châteauroux dans l’Indre où elle a eu une «enfance hyper chouette». Sa sœur, elle, a neuf ans de plus et à ce moment de la vie, elles n’ont pas les mêmes préoccupations. Alors, ces premières années, elle est très proche de la «fille de sa nounou, d’un an son aînée». Elle a cinq ans quand ses parents décident de déménager en région parisienne. Et il lui est difficile de quitter «ces deux femmes auxquelles elle est très attachée». Rapidement pourtant, elle retrouve ses marques. Son adolescence est «une période d’insouciance» à une époque où Internet fait progressivement son apparition. Elle fait «les 400 coups» avec ses trois meilleurs amis, une fille et deux garçons qui sont son quotidien ces années-là.
Quand elle a treize ans, sa meilleure amie perd son grand frère dans un accident de la route. Elles ne sont plus au même collège et Amélie essaye de lui rendre visite tous les week-ends. Elle essaie de remonter le moral de son amie et se sent parfois impuissante. C’est une période charnière et «la fin de l’insouciance». En classe de première, alors que tout roulait là jusque-là, elle commence à faire «de la phobie scolaire» et finit par être déscolarisée. Elle essaye de passer le bac en candidat libre sans succès. Sa grande sœur a quitté la maison depuis longtemps. Alors à la maison, elle s’ennuie. Entre-temps, Internet s’est imposé dans le quotidien. Du coup, Amélie «qui ne voit plus grand monde» traîne sur MSN, la messagerie phare des années 2000. Au début, c’est juste «histoire de parler avec d’autres gens». Elle tombe sur «un Nicolas» qui, comme elle - et à la différence des autres - aime «Bjork, Massive Attack et Radiohead». Et c’est ce qui les rapproche au départ. Puis, à force de conversations virtuelles qui tiennent le rythme pendant six mois, ils décident de se rencontrer.
Amélie a dix-huit ans, Nicolas vingt-et-un et, coup de chance, il travaille en Seine-et-Marne où elle habite. C’était il y a vingt ans et depuis, ils ne se sont jamais quittés. Avec le recul, Nicolas, pour Amélie, c’est «la rencontre de sa vie», «son roc, celui qui ne flanche jamais». Pour qu’elle ne flanche jamais. Assez vite, ils s’installent ensemble à Paris. Elle travaille chez Nature et Découvertes au Carrousel du Louvre. Ça la remet dans le bain collectif, elle côtoie la foule et se recrée des «habitudes sociales». Cela lui permet d’envisager de repasser son bac avec la perspective de devenir infirmière, un métier qu’elle contemple depuis longtemps.
Elle quitte la boutique, garde des enfants pour continuer «à gagner des sous» et obtient son bac en candidat libre. Dans la foulée, elle est reçue au concours infirmier. Elle entame ses études dans le cadre desquelles elle alterne stages et école, un rythme qui lui va très bien. Elle est un peu plus âgée que les autres mais ça ne l’empêche pas de nouer «trois amitiés très fortes qui durent jusqu’à aujourd’hui». Quand elle termine, Nicolas la persuade de quitter Paris, un projet qu’ils avaient depuis leur rencontre. Elle est partagée parce que tous leurs amis habitent la capitale mais elle se laisse convaincre par l’argument que «si elle commence à travailler à l’hôpital, elle aura ses collègues, ses habitudes et il leur sera difficile de partir ensuite».
Ils emménagent dans le sud-ouest. «Finalement on s’adapte partout». Et par un hasard qui s’avérera salvateur, sa sœur s’installe, un an plus tard, «à dix minutes de chez eux» avec son mari et ses deux enfants. Amélie trouve un poste d’infirmière en laboratoire. Ils achètent une maison. Le pro est sur les rails. Ce qui leur manque, «c’est un petit bébé». Comme ça ne fonctionne pas, ils font une batterie d’examens qui confirment que «ce sera compliqué pour eux». Amélie entame des traitements hormonaux qu’elle supporte mal. Elle doit même se faire opérer. Au moment où ils fixent une date pour un protocole de FIV, on diagnostique à Amélie un cancer du sein. Elle a vingt-huit ans. C’est une maladie «très agressive et hormono-dépendante». Elle doit donc subir une ablation du sein en plus des traitements de chimiothérapie et d’hormonothérapie.
A ce moment-là, le fait que sa sœur soit là, tout près, est un «soutien immense». «Parfois les coïncidences n’en sont pas». Avec Nicolas, ils avaient toujours considéré que le mariage, «c’était beaucoup de dépenses pour pas grand chose». Mais, avec ce qui leur est «tombé dessus», Amélie commence à l’envisager comme une perspective «cool». Alors, pour son trentième anniversaire, Nicolas la demande en mariage devant tous leurs amis venus pour l’occasion, «alors que ça n'est pas du tout son genre». Elle est aux anges. Pendant l’année qui suit, elle s’investit dans les préparatifs du mariage. Quand elle se plaint de douleurs dans les côtes, on lui répond qu’elle «fait trop de sport» pour rentrer dans sa robe de mariée. On n’investigue pas. En septembre, Amélie et Nicolas se marient. Et, dans la foulée, ils «négocient une fenêtre thérapeutique pour retenter le projet bébé». Amélie arrête donc le traitement qu’elle prend depuis deux ans.
Quelques mois plus tard, ils «montent sur Paris pour fêter le Nouvel An». Amélie ne se sent pas bien. Elle est certaine que quelque chose cloche. Elle prend «le premier rendez-vous disponible chez un médecin traitant». Immédiatement, le médecin se demande pourquoi on l’a laissé arrêter son traitement sans avoir fait d’examens au préalable. En effet, c’est une «récidive métastatique qui place la maladie en stade 4». Amélie, qui est infirmière, est trop familière de ces termes. Elle sait que «son pronostic vital est plus engagé, que c’est un diagnostic plus sombre». Elle a des souvenirs de «stage de cancérologie avec de très jeunes femmes en fin de vie». Elle ne veut «pas imposer ça à ses proches». C’est une «double peine» parce qu’au-delà des projections difficiles que ce diagnostic implique, il «anéantit aussi le projet bébé».
Elle décide de quitter «son oncologue de l’époque qui n’a pas su se remettre en question». C’est un conseil qu’elle donne souvent aux jeunes femmes qui la contactent sur son compte Instagram. «Il faut s’écouter et ne pas hésiter à changer de médecin si l’on n’est pas totalement en confiance». Amélie est de nouveau opérée et subit des traitements très lourds. Mais ça paye. Même si on «ne parle pas de rémission pour un cancer métastatique mais de maladie chronique», le traitement met la maladie en sommeil. Amélie est en «réponse métabolique complète» c’est à dire qu’on «n’observe plus aucune lésion». Cela dure cinq ans.
En août dernier, il y a eu une autre récidive. Depuis neuf ans, Amélie a observé «une évolution incroyable des traitements avec, entre autres, des thérapies ciblées et de la chimiothérapie orale». Des traitements «très différents» de ceux qu'elle a connus au début. Aujourd’hui, Amélie est à nouveau «en réponse métabolique complète». Et cette évolution constante des traitements permet d’espérer que, même si la maladie venait à se réveiller, il y aura des solutions nouvelles.
Aujourd’hui, Amélie et son mari «ont fait le deuil du projet bébé» et même si cela «restera toujours une blessure», ils donnent leur amour à leurs nombreux «bébés poilus». Deux chats, trois chiens et un chiot qui rejoint ces jours-ci, leur «maison du bonheur». Ils «essaient d’être le plus heureux possible avec ce que la vie leur a donné».
Amélie pense souvent «aux amies qui sont parties». Elle est très investie sur son compte Instagram dans lequel elle transmet l’espoir qu’elle incarne aux nombreuses jeunes femmes qui lui écrivent «lorsqu’elles viennent d’apprendre qu’elles sont malades». Elle prend cette mission à cœur parce qu’elle «l’aide à trouver un sens à ce qui lui arrive». Elle parle aussi de «l’après-cancer» comme d’une période difficile où elle a eu «l’impression d’être abandonnée par le corps médical» alors que «la famille et les amis ont besoin de passer à autre chose». Amélie sait que «les autres ne peuvent pas savoir ce que c’est». Elle a «ses copines de cancer» pour les moments où elle a besoin de partager son vécu de la maladie. Et à ceux qui ne l’ont pas vécu, «elle pardonne les phrases maladroites».
Depuis un an et demi, Amélie et Nicolas se sont excentrés et habitent maintenant un petit village. Comme les gens savent qu’ils ont besoin de pouvoir compter sur leurs voisins, «ils sont très solidaires». Elle aime ce nouveau rapport aux gens qui habitent à côté. Le couple «retape la maison» qui reste un point de rassemblement estival pour la troupe d’amis. Amélie et Nicolas «profitent l’un de l’autre». Les épreuves de la dernière décennie les ont «soudés». Et aujourd’hui, elle est fière d’avoir su «rester vaillante», de n’avoir «jamais baissé les bras» même dans les moments où elle a été tentée de le faire. C’est en partie grâce à son mari «qui est son pilier» et sur lequel elle s’appuie «pour ne jamais s’effondrer». Mais, à l’entendre parler, c’est certainement surtout grâce à elle, sa force, sa résilience, son désir de ne pas flancher pour ceux pour qui elles comptent, un ressort interne qui s’évertue de voir la chance même quand c’est très dur et de puiser dans ceux qui l’entourent la force de résister au doute et d’accepter l’incertitude. En plus de sa générosité dans l’espoir qu’elle incarne et qu’elle s’efforce de transmettre, via les réseaux sociaux, à toutes celles pour qui il pourra changer la donne.
Pour suivre Amélie sur Instagram, c’est ici.
Parmi tous ces portraits extra ordinaires, celui-ci me parle particulièrement… oui il ne faut pas hésiter à quitter un oncologue pour un autre… quand la confiance n’y est plus ! L’Institut Rafael, Maison de l’Apres-Cancer, est une révolution pour ne pas se sentir abandonné ! Merci Ornella de raconter avec tant de grâce sans être larmoyante !
Superbe portrait. ça fait écho car je suis en train d'écouter la série "impatientes" sur le podcast les nouvelles écoutes.
C'est impressionnant.