#19 - Elise N, les mots tout au long du chemin
Elise se pensait littéraire. Elle se révèle entrepreneure. Et nous montre qu’avec de la créativité, il est possible de tout associer. Même l'écriture et l'entreprenariat.
Pour Élise, l’année 2017 a été un véritable tournant : à quelques mois d’écart, elle est devenue à la fois… maman et entrepreneuse ! En février, elle s’apprête en effet à ouvrir les portes de son école d’écriture, en plein quartier latin. Une aventure initiée avec Alexandre Lacroix, écrivain et directeur de la publication de Philosophie Magazine, un magazine novateur qui rend la philosophie accessible. Concours de circonstances, il attend, lui aussi, à la même période, un (cinquième) enfant ! Une double naissance qu’il relate dans son livre La naissance d’un père.
Leur rencontre remonte à loin. Dix ans plus tôt, Élise avait rejoint le cours d’écriture créative qu’Alexandre animait à Science-Po Lyon, où elle était une jeune étudiante rêveuse et passionnée de littérature.
À cette époque, elle écrit partout et tout le temps. Les personnages qu’elle invente sont « presque aussi réels » que ses deux meilleures amies, avec qui elle vit sur les pentes de La Croix-Rousse. Pendant le cours d’Alexandre, elle partage ses écrits. Cette expérience la marque durablement et ce dernier l’encourage à continuer.
Après avoir obtenu son diplôme de sciences politiques, Élise hésite sur son orientation professionnelle. Quel rôle pourrait-elle occuper dans un monde professionnel où la créativité lui semble avoir si peu de place ?
Quelque temps plus tôt, Élise avait soumis son manuscrit à un éditeur qui avait hésité à la publier. Il aimait son travail mais trouvait le texte encore fragile. Il lui avait conseillé de le retravailler. Elle ne demande pas de précision, mais s’interroge : le travailler, oui, mais avec qui ? Où et comment ? Ça existe, un endroit, pour retravailler ses textes ? Cette question restera longtemps dans un coin de sa tête.
Alors que ses amis semblent avoir des idées bien précises pour leur avenir, Élise, elle, n’envisage rien d’autre que de continuer à écrire. Elle décide de se consacrer à cette activité et se lève tous les matins animée par l’idée qu’elle va écrire son prochain roman. Pourtant, elle a perdu son élan. Au bout de six mois, elle part à Londres comme jeune fille au pair, pour améliorer son anglais et aussi pour changer d’air.
De retour en France, elle réfléchit « à toutes les choses qu’elle aime ». Dans la panoplie de ces choses-là, il y a Philosophie magazine. Dirigée par Alexandre, son ancien professeur, dont elle « dévore les éditos ». Elle y fait un stage qui la passionne et la convainc de s’orienter vers le journalisme. Elle commence alors à écrire pour Usbek et Rica, un nouveau magazine qui l’inspire, avec des articles de fond et originaux.
Après trois ans de cette vie passionnante intellectuellement, Élise doit se rendre à l’évidence : trop peu de perspectives l’attendent. Le sentiment d’un « monde qui coule et qui ne prend pas vraiment le virage technologique », à l’heure des réseaux sociaux et de la révolution numérique, ne fait qu’accroître ce sentiment.
Un jour, un collègue caméraman lui envoie une annonce pour un poste de chargé(e) de communication dans un accélérateur de start-ups. Si l’adresse indiquée n’avait pas été celle du Palais Brongniart, l’ancienne Bourse de Paris, elle aurait presque cru à une farce ! À ce moment-là, elle rêve de nouvelles opportunités, alors elle fonce.
Elle arrive au dernier étage du Palais, aménagé « avec de la pelouse et une fausse table de camping ». On est en 2011, ces codes dont nous sommes aujourd’hui familiers n’existent nulle part. « Un bureau, c’est de la moquette et une machine à café, non ? La Silicon Valley, on ne connaissait pas. L’entreprenariat, on n’en parlait pas ». Élise est séduite par ce décor qui dénote franchement avec l’idée qu’elle se faisait du monde du travail !
Elle y rencontre Alice Zagury, une jeune femme dynamique, pleine d’énergie et du même âge qu’elle. Cette dernière lui parle avec passion du pouvoir transformateur de l’entreprenariat. L’entretien dure une demi-heure… et elle est embauchée. Elle passe d’un travail d’écriture et de contenu à un travail plus opérationnel et logistique. Pas une mince affaire ! Alice est exigeante et Élise plutôt douce et rêveuse, mais tenace. Une fois le rythme pris, elle s’épanouit franchement. Elle voyage beaucoup, travaille au contact d’entrepreneurs impressionnants, à l'origine de très belles sociétés du paysage économique français (comme Covoiturage.fr, qui deviendra BlaBlaCar ou Leetchi, par exemple). “Il y avait un sentiment incroyable que tout était possible et sans limites”.
Assez rapidement, Alice fonde « The family ». Élise décide de rester au «Camping» - qui deviendra bientôt NUMA. Sa manager, Marie-Vorgan, cherche alors à remplacer Alice et c’est finalement à Élise qu’elle propose le poste. « Le costume était un peu trop grand pour moi !». La première fois qu’on lui a demandé de « pitcher devant une assemblée de VCs [investisseurs en capital-risque] en anglais », elle s’est vraiment demandé si elle en était capable ! Mais petit à petit, elle prend de l’assurance et y reste finalement six ans. Une expérience passionnante, formatrice et transformatrice.
En parallèle, toujours passionnée d’écriture, elle participe à beaucoup d’ateliers d’écriture. A cette époque, à Paris, l’offre est rare, et elle n’est jamais complètement satisfaite ! Trop onéreux, trop « vieillot », ou encore animés par des étudiants débutants leur cursus en lettres à la Sorbonne… Puis vient le message d’Alexandre, avec qui elle a gardé contact. Il veut lui parler d’un « projet autour de la littérature ». Elle se rend au rendez-vous, curieuse, un peu émue. Alexandre lui parle alors de son projet « d’école d’écriture », sa version à lui de « l’accélérateur d’écrivains » qui germait depuis quelque temps dans sa tête à elle. Cette conversation est une révélation. Elle n’a aucun doute. Ça va marcher et ils le monteront ensemble.
Ils répondent à un appel d’offres publié par la mairie de Paris pour un lieu immense en plein Quartier Latin. Leur projet n’est pas retenu, mais ils arrivent en finale et cela leur donne une visibilité inespérée. Ils sont repérés et s’installent finalement dans une ancienne galerie d’art, rue Dante dans le 5e arrondissement, quartier mythique des éditeurs parisiens.
À partir de là, « tout s’enchaîne ». Entre l’été 2015 et celui de 2016, ils créent la société, lèvent des fonds et commencent les travaux. En novembre 2016, Élise quitte son poste chez NUMA.
En février, l’école Les Mots ouvre ses portes.
Entretemps, Élise rencontre Élie, son conjoint. Elle avait toujours imaginé une rencontre, suivie d’un mariage et quelques années après, des enfants ; mais la vie s’accélère. Quelques mois après avoir rencontré son conjoint, elle attend déjà son premier enfant. Et c’est comme ça que coïncident ces deux naissances : celle d’Élise en tant que maman et en tant qu’entrepreneure.
L’école fonctionne tout de suite. Au bout de trois ans, le projet est rentable. Les trois années suivantes sont dédiées à consolider l’école. Maintenant, Élise et Alexandre ont l’ambition de « continuer de grandir, tout en restant à taille humaine et fidèles à leurs valeurs » : des ateliers d’écriture accessibles à tous, animés par des auteurs reconnus, pour toutes les envies.
Aujourd’hui, Élise est maman d’une petite fille de six ans et d’un petit garçon de trois ans. Professionnellement, elle est reconnaissante d’avoir été toujours bien entourée et conseillée par son entourage proche.
Elle continue de participer à des ateliers – ceux de l’école ! - mais ne ressent plus la même urgence d’écrire. Pour l’instant, aider des milliers de personnes à écrire, à aller au bout de ce rêve un peu fou de raconter leur histoire, et pourquoi pas de la voir être publiée, la rend heureuse. « Avoir créé l’école dont je rêvais est une fierté de chaque jour... Toutes les semaines, un nouveau projet émerge. C’est un vivier de nouvelles idées à explorer, d’auteurs à rencontrer, de livres à lire. D’ailleurs, de nouvelles perspectives se dessinent. Je ne peux pas en dire plus pour le moment. Mais le futur sera riche en surprises.”
Le site de l’école Les Mots est ici.
Très beau parcours très inspirant.