# 21 - Colombe P, à coup d'instinct
Armée d'une confiance profonde en son instinct, les accrocs en chemin n'ont jamais déstabilisé Colombe. Peut-être même l'ont-ils parfois portée.
«J’adore mon prénom». L’histoire dit que la mère de Colombe «s’est beaucoup battue» auprès de son mari pour qu’il accepte ce nom. Lui, pensait plutôt à Alice. Et aujourd’hui, leur fille leur est reconnaissante de ce prénom «qui n’est pas anodin et que l’on n’oublie rarement». Colombe est originaire de Nantes, ville qu’elle n’a pas toujours aimée petite, mais qu’elle a appris à redécouvrir et à apprécier à l'âge adulte. Elle y vit à nouveau aujourd’hui. Mais entre-temps, elle a passé pas mal de temps à l’étranger. En Roumanie d’abord, puis au Québec. Et dans ces pays qui n’étaient pas les siens, elle a aimé se présenter par ce nom qui marque les esprits.
Depuis toujours, Colombe a été attirée par l’étranger. Pas tellement pour le voyage. Mais plutôt pour l’immersion dans une autre culture qui permet d’en savoir beaucoup plus sur sa «maison intérieure». Déjà à l’âge de dix ans, elle avait convaincu ses parents de l’envoyer un mois dans la campagne anglaise. Dix ans plus tard, une fois ses études en relations internationales terminées, Colombe saute sur la première occasion professionnelle qui lui plaît pour quitter la France. Elle jette son dévolu sur la Roumanie, pays «dont elle a souvent entendu parler par son père» et qui éveille sa curiosité. Elle y emménage en janvier 2007 par un froid glacial, l’année où le pays entre dans l’Union Européenne. Elle qui vient de «l’un des pays fondateurs de l’UE» se passionne sur place pour la dynamique roumaine qui voit quasi unanimement l’Union européenne comme une chance.
Elle habite à Iași - prononcé Yach - près de la frontière de la République de Moldavie qui, elle, n’est pas membre de l’UE. Elle se sent vernie de pouvoir «observer de si près la manière dont les relations entre les deux pays se redéfinissent». Ce sont trois ans et demi «de bonheur» passés à travailler dans un centre culturel français, à monter un tas de projets auprès d’un boss pour lequel elle a un véritable «coup de cœur» et beaucoup d’estime. Aux amis de la maison qui viennent lui rendre visite, elle se fait un plaisir de montrer «sa Roumanie à elle», un pays dont «on parle peu ou mal» et qu’elle trouve «magnifique».
Ensuite, elle rentre en France pour une courte transition avant de repartir pour le Québec où elle va travailler pour le Centre de la Francophonie des Amériques, un «organisme du gouvernement du Québec». Là, c’est «l’amour fou». Tout lui plaît. Et d’abord le fait que les gens «sont plus vastes que ce qu’il font». Et «se définissent souvent par ce qui les anime». Elle adore aussi son boulot et ses collègues. Elle a beaucoup de déplacements qui lui permettent «d'écumer le Canada» et de faire autant de rencontres. Au bout de quatre ans, Colombe décide de rentrer en France parce qu’elle a «fait le tour de son job» mais aussi parce qu’elle ne se «laisse jamais l'opportunité de tomber dans l’ennui» et qu’elle a «envie de se rapprocher de ses parents».
On est en 2014 et le retour au pays est compliqué. Elle rentre «chez elle» tout en ayant beaucoup changé. Les gens de la vie d’avant ont évolué, eux aussi. Ils se sont mariés, ils ont eu des enfants. Elle a du mal à retrouver «sa place professionnelle notamment dans une société qui lui paraît très conventionnelle». Elle passe un an à Paris, chez une amie «extraordinaire» qui l'accueille à bras ouverts. Elle «vend des bagels» et fait «mille petits boulots». A aucun moment, elle ne se «sent précaire» mais plutôt en «transition» ou en «maturation professionnelle».
Finalement, elle décide de revenir à Nantes. A cette époque, sa sœur monte un «concept store» et lui demande de s’occuper de sa communication. Comme son travail plaît, elle décide de se lancer «à titre indépendant» pour accompagner «des femmes qui lancent leur activité», nourrie par le constat que «les femmes voient souvent petit» et qu’elle a envie de les «booster» en les aidant à travailler sur «leur identité de marque et leur communication». Et à s’autoriser l’ambition.
Elle les aide d’abord à définir leur audience. «Il faut se positionner », version professionnelle de l’acceptation. Elle aime leur répéter que non seulement, on ne peut pas «plaire à tout le monde, mais qu’il ne faut pas chercher à plaire à tout le monde». Elle aide les femmes à définir une voix claire qui portera ce qu’elles sont auprès du public qui ne les connaît pas encore.
Elle développe cette activité pendant cinq ans. Puis travaille ensuite quelques mois dans des «espaces de coworking» en tant que coworking manager. Mais ça ne paie pas bien. C’est à ce moment-là précisément que Colombe rencontre son associée, Gaëlle. On est en 2020. Cette dernière a créé l’Escale avec son mari Laurent en 2019, une entreprise qui vient «dépoussiérer» le bilan de compétences avec un format «full digital» qui deviendra par la suite un bilan «dédié aux parents». Colombe les rejoint pour créer la formule 1:1. Quand Colombe en parle, elle ne parle pas de vendre du bilan de compétences mais de «la confiance». Parce qu’une fois que «cette dernière est revenue», on peut « cheminer et se réaligner avec ses vrais besoins et ses aspirations profondes». Finalement, après plus de quatre années très riches de boîte, elle décide de quitter ce poste et de se laisser le temps de réfléchir à la prochaine étape.
Parallèlement à ses jobs, entre 2017 et aujourd'hui, elle monte tout plein de side-projects, Jette toi à l’eau !, une association pour promouvoir le passage à l'action, J’aime mon commerce pour défendre les commerces indépendants, Sisters And Happiness, un projet d’expositions avec une amie photographe pour mettre en lumière en photos et en mots des femmes épatantes et méritantes et enfin une newsletter sur Substack.
A Nantes, elle se plaît aujourd’hui. De son enfance passée ici-même, elle a été marquée par l’arrivée de sa sœur Victoire, alors qu’elle avait quatre ans. Et avec ce changement d’équilibre familial, le sentiment bienvenu qu’elle n’est plus le centre d’attention de ses parents. Elle se souvient aussi de son grand-père paternel, un homme «qui avait monté plein de projets avec pas mal d’échecs et pas mal de réussites aussi», le premier à avoir «compris sa singularité». Elle pense souvent à lui et le retrouve dans certaines silhouettes ou autres accoutrements croisés au coin d’une rue. C’est lui qui lui a donné le goût de la lecture en l’abonnant à tout plein de journaux, le Journal des enfants, puis Science et Vie et enfin Courrier International. C’est aussi lui qui a décelé avant tout le monde sa sensibilité littéraire. Longtemps, il lui a prédit une carrière dans le journalisme. Si elle n’est pas devenue journaliste, l’écriture a néanmoins toujours fait partie de sa vie et est aujourd’hui très présente.
Être restée fidèle à ce parcours «en dehors des clous» la rend fière. Son désir de maternité s’étant réveillé «très tard», Colombe «a dû assumer» jusqu'à assez récemment de ne pas vouloir se marier et de ne pas vouloir d’enfants, dans un monde «où, même en 2024, on continue de juger». En même temps, Colombe a toujours su qu’elle n’accèderait jamais au bonheur «en vivant une vie qui ne serait pas la sienne». C’est ce qui lui a permis de continuer à «s’écouter».
Il y a quelques années, Colombe a pris la décision d’avorter. A l’époque, «les conditions n’étaient pas réunies» pour poursuivre cette grossesse. Une «décision mûrement réfléchie» qui restera comme elle le dit «une brûlure à vie». Elle a beaucoup lu sur le sujet (elle fait toujours ça quand elle veut comprendre) pour essayer de mettre des mots sur ses ressentis et conclure «qu’aucune femme ne vit la même histoire». Aujourd’hui, ce souvenir reste douloureux. Et a trouvé une résonance particulière quand elle s’est lancée dans un processus de PMA en solo. Si elle s’est sentie «chanceuse» d’avoir pu entreprendre ce projet en France (jusqu’en 2021, cela n’était pas possible pour les femmes seules), cela est resté «très éprouvant». Même si elle est persuadée depuis longtemps qu’il y a «plein de façon de faire famille», la PMA en solo reste “ un tabou “ du moins en France. Les récits largement partagés des maternités solo mettent souvent en lumière essentiellement «les difficultés» et laissent peu de place à «des projections optimistes ou joyeuses». Peu importe, ce projet lui tenait «tellement à coeur» que Colombe a su trouver les ressources pour passer outre et se projeter. Elle a puisé dans les BD (notamment “ Ma vie de maman solo “ d’Elodie Laloum et Jennifer Piers) et les podcasts (Hello Solos et Parcours de solos) et produit toutes les semaines des billets très touchants qui traitaient aussi de son parcours - dans Les Promesses du cœur, sa newsletter. Une façon de laisser une trace pour l’après, de soulager son esprit et d'encourager ses lectrices et ses lecteurs à apprendre à accepter leurs émotions.
Aujourd’hui, en dépit des statistiques qui lui promettaient le contraire, Colombe est enceinte. A la veille du grand bouleversement, elle est pleine de gratitude d’en être arrivée là. Mais aussi pour les gens qui l’entourent et la soutiennent, et pour ce bébé à naître.
Magnifique portrait.
Merci pour ce nouveau portrait tout en nuances et en finesse.